Et si on leur laissait VRAIMENT le choix?

« Lorsque nous écoutons, nous n’avons besoin ni de connaissances en psychologie, ni de formation en psycho-thérapie. L’important, c’est de savoir être présents aux sentiments et aux besoins spécifiques que ressent un  individu ici et maintenant. »
Marshall B. Rosenberg

Mon cheminement grâce au renforcement positif

Cela fait maintenant quelques temps que j'ai pris le chemin du renforcement positif avec mes animaux (mes chevaux et mon chien). Une des règles essentielles de cette façon de travailler est de récompenser les bons comportements, en ignorant les mauvais. Les animaux procèdent ainsi par essai/erreur, et c'est à vous de "marquer" le bon comportement par une récompense (alimentaires pour ma part). Cela permet à l'animal de savoir ce qu'il a fait de bien, pour pouvoir ensuite le reproduire, pour au final APPRENDRE le comportement, grâce au fait d'être récompensé.
C'est toute une philosophie qui se met en place quand on met un pied dedans! Il ne s'agit pas seulement de "donner des bonbons" pour récompenser une bonne action, mais bien de repenser totalement le système éducatif proposé à nos animaux ; comment vais je faire pour obtenir ce comportement? Comment vais-je amener mon animal à comprendre ce que je veux, et comment vais-je l'amener à me faire cette proposition? Le tout ayant pour but que chaque apprentissage vienne de l'animal lui même. 
Il s'agit de séquencer les apprentissages, mais aussi d'aborder l'éducation par un autre biais : celui de "donner le pouvoir de proposer" à l'animal. C'est ce qui a été le plus pour moi! Trouver comment obtenir les mêmes résultats, mais de sorte à ce que ce sot l'animal qui me le propose, et que je n'ai plus qu'à récompenser pour lui signifier mon approbation. Je me suis rendue compte que si mon poney ne faisait pas ce que j'avais en tête, je commençais à augmenter ma demande... comme en renforcement négatif! J'avais tendance à moi vouloir une chose, et donc à conduire mon poney à l'exécuter, au lieu de m'ouvrir à ses propositions. Ce n'était donc pas logique pour mes animaux, car un coup ils proposaient et j'étais ouverte, une autre fois je n'acceptais pas la proposition et augmentait ma demande initiale au lieu de les laisser chercher autre chose ... Les vieux réflexes de mes apprentissages précédents prenaient le dessus. C'était en fait tout à l'inverse de ce que je voulais comme "philosophie d'apprentissage". Par la démarche du renforcement positif, je voulais créer un climat d'apprentissage où mes animaux peuvent se sentir libres de proposer quelque chose, qui sera soit validé, soit ignoré, mais sans augmentation de pression. 
J'en suis venue à me faire d'ailleurs cette réflexion : passer en renforcement positif, c'est plus dur pour l'humain que pour l'animal. 

En évoluant dans ma façon d'interagir avec eux, j'ai aussi appris à leur laisser du temps.. le temps de réfléchir, de se poser, le temps d'accueillir et observer une émotion, le temps d'intégrer une proposition. J'ai appris à respirer, et à ne plus vouloir FAIRE mais à accueillir ce qu'ils avaient à me proposer.

 

J'ai aussi pris le temps de les lire, de les observer et de me rendre compte de leur confort/inconfort face à ce que je proposais (et donc à prêter attention à tous les signaux de communication corporelle, chose que je ne faisais pas avant, ayant le mental trop pris par l'exercice que je voulais obtenir!)

Tout cela a permis à mes animaux de se rendre compte de leurs capacités, d'être autonomes tant dans l'apprentissage que sur le plan émotionnel. Ils ont tous progressé dans leur confiance en eux, et dans leur gestion émotionnelle grâce à ce chemin éducatif... (parce que oui, le renforcement positif ne sert pas juste à apprendre des exercices, mais bien à travailler aussi sur les réactions de l'animal, sur ses comportements etc... ex : mon chien qui était fortement réactif  face aux autres chiens peut désormais aller aux cours collectifs de psychomotricité canine)

Leur laisser le choix

Finalement, toute cette évolution m'a amenée à proposer des exercices à mes animaux, sans attendre de réponse toute faite. Et c'est à ce moment là où j'ai fait un terrible constat : 
Je ne leur avais pas souvent laissé le choix avant. Pas un vrai choix. 
Je leur avais laissé le choix d'exécuter un mouvement avec une pression fine ou plus forte. Mais je ne leur avais pas laissé le choix de l'exécuter OU NON. 
En me mettant face à eux avec une proposition et en étant enfin ouverte également à ce qu'ils la prennent ou la rejettent, j'ai compris à quel point j'avais parfois été dans la non écoute.


J'ai eu plusieurs révélations marquantes : 

- en écoutant les signaux de communication de mon poney, je me suis aperçue que ma simple présence trop proche de lui était au mieux un inconfort, au pire une vraie difficulté pour lui. Je ne m'en étais jamais aperçue avant de lui laisser toute la place pour s'exprimer. Combien de moments inconfortables avait-il passé? Pire, combien de fois avais-je sanctionné des oreilles en arrière alors qu'il tentait simplement de me dire "tu es trop près pour que je sois à l'aise, recule!" ? 


- en proposant l'exercice du licol à mon cheval, càd qu'il devait lui même mettre la tête dedans, action récompensée, il a fait demi tour et est parti au trot à la simple vue du licol. Effectivement, j'avais remarqué qu'il n'aimait pas le licol, mais jamais cela ne m'avait frappé à ce point, et surtout je ne l'avais jamais écouté! Comment avais-je pu ne pas le voir ? Et surtout comment avais-je pu ne pas en tenir compte avant?
En réfléchissant, je me suis demandée combien d'actions nous imposons à nos animaux sans réellement leur laisser la possibilité d'exprimer un inconfort et un désaccord...

Finalement, en laissant à mes animaux la réelle possibilité de dire NON... je me suis rendue compte du nombre de fois où ils n'avaient pas eu l'occasion de le faire, et j'ai réalisé à quel point on oublie de leur demander leur avis, vraiment et sincèrement, en étant prêt à accueillir toutes les réponses... Or, on ne peut être dans un réel partenariat si l'autre n'a pas son mot à dire. Le respect et la communication vont dans les deux sens. Nous exigeons de nos animaux qu'ils nous respectent, faisons de même envers eux!
Le renforcement positif a été pour moi la façon de me rendre compte de tout cela, et aussi d'acceptation et d'écoute :  apprendre à les écouter pour de vrai, à les lire, à les comprendre. Apprendre à ne pas les forcer mais à leur proposer de collaborer, et aussi d'apprendre à accepter le non, le refus, accepter les limites de mes animaux, accepter qui ils sont profondément. Le renforcement positif a changé ma façon d'être avec les animaux. 

 

 

 

Alors je vous invite à réfléchir sincèrement à cette question : Laissez vous réellement le choix à vos animaux? Leur laissez-vous la possibilité de dire non, d'exprimer un désaccord? 

Tirez en les conclusions que vous souhaitez, j'ai déjà pu tirer les miennes à force d'expérience et j'ai fait mes choix.

NB : cet article n'a pas pour but de dénigrer d'autres méthodes éducatives, il parle seulement de mon expérience et de mes choix. J'ai écrit cela dans le but de faire naître la réflexion sur le sujet du choix que nous laissons à nos animaux, sujet m'étant venu à force de pratiquer le renforcement positif avec mes animaux. Il est évident que la réflexion est valable dans n'importe quel cas, avec n'importe quelle façon d'éduquer.

Grâce au renforcement positif, certains sont même devenus très créatifs! 

D'autres sont un peu plus "studieux" ... avec Darling, nous pouvons aborder le dressage à l'épaule en renforcement positif ; ça prend plus de temps, il faut beaucoup plus décomposer, mais les résultats sont intéressants. Cela me permet de travailler aussi sur des demandes très fines (ici la main à peine posée), et avec une expression corporelle très neutre, ce qui convient parfaitement à Darling, qui est hypersensible à ça.

Et certains acceptent enfin d'être... d'être en phase, de marcher ensemble, d'être à l'écoute et d'entrer en relation car ils savent qu'ils seront écoutés... et respectés, quelle que soit la réponse! Emotion est métamorphosé depuis qu'il travaille en renforcement positif, et qu'il sait qu'il n'y aura plus de "réprimande" à la clé (augmentation de la pression). Notre relation s'en ressent, elle est beaucoup plus forte et solide.  ll nous est possible de "cheminer ensemble", à tous les sens du terme.

Écrire commentaire

Commentaires: 3
  • #1

    Pauline (mercredi, 28 février 2018 23:19)

    Salut! J'aime beaucoup ta façon de voir les choses.
    Est ce que tu utilises quand même le principe de confort/inconfort?

  • #2

    AUdrey (mercredi, 07 mars 2018 12:47)

    Quel superbe article, merci!
    C’est tout à fait ce vers quoi je tend mais ça fait du bien de le lire et le relire.

  • #3

    Loélia (jeudi, 17 mai 2018 16:26)

    Bonjour Pauline,
    Je vois ta réponse seulement maintenant : j'essaye d'éviter d'utiliser la notion de confort / inconfort mais parfois je ne trouve pas d'autres stratégies pour me faire comprendre, donc il m'arrive de l'utiliser, mais j'évite d'y avoir recours dans la mesure du possible. Par contre je n'utilise plus du tout les "phases" comme en équitation éthologique, càd que je n'augmente plus graduellement mes demandes. Il m'arrive de mettre une pression (ex : longe tendue pour avancer) mais je ne vais pas "tirer plus fort" si le cheval ne répond pas. Je vais prendre le temps d'attendre et le laisser intégrer ma demande, peut être bouger un pied s'il arrête de chercher une solution, puis ensuite de récompenser (vocalement/friandises) lorsqu'il cèdera à la pression.